L’alliance Nanocyperion flavescentis réunit des groupements végétaux de l’Europe atlantique et centrale. Dans les Pays-Bas elle est représentée par plusieurs associations plus ou moins bien caractérisées. Toutes ces associations sont éphémères, elles sont constituées de phanérogames de petite taille et de bryophytes, et sont riches en thérophytes; leur espace minimum ne dépasse guère le m2. Elles s’installent sur les lieux dénudés et souvent humides. Quelquefois ces stations sont d’origine naturelle, d’ordinaire cependant elles ont subi l’influence de l’homme, avant d’être favorables au développement des associations du Nanocyperion. A cause des espèces caractéristiques qu’elles ont en commun, les alliances Nanocyperion et Isoetion ont été réunies par Braun- Blanquet (1931) dans un seul ordre, celui des Isoetetalia. L’ Isoetion, limitée à la région méditerranéenne, manque dans les Pays-Bas; donc il n’est pas nécessaire de séparer les caractéristiques de l’alliance de celles de l’ordre dans les tableaux ci-dessus. En cas qu’on fait cette séparation quand-même, il se trouve que le nombre des caracté- ristiques de l’ordre est plus grand à mesure que l’association est plus limitée aux stations naturelles (Cicendietum filiformis, Centaurieto-Saginetum moniliformis). Dans les associations plus spécialement anthropogènes les caractéristiques de l’ordre prévalent ( Centunculo-Anthoceretum, Isolepeto-Stellarietum, Sagineto-Bryetum argentei). Vlieger (1937) a réuni les ordres Isoetetalia et Litorelletalia dans la classe Isoeto-Litorelletea. A notre avis ces deux ordres ont trop peu d’espèces caractéristiques communes pour justifier cette combinaison; les espèces du Litorellion se trouvent seulement dans le Nanocyperion au cas que celui-ci s’installe dans des mares temporairement taries, parmi les espèces du Litorellion qui peuvent s’y maintenir. Quelquefois le Cicendietum juncetosum pygmaei. le Panico-Illecebretum pepletosum et Yi Eleocharetum ovatae montrent une telle pénétration. Au contraire les espèces du Litorellion manquent dans tous les autres groupements du Nanocyperion. Une relation semblable existe entre les Isoetetalia et la classe des Rudereto-Secalinetea. Tantôt ce sont les espèces du Secalinion, tantôt celles du Bidentetum, qui pénètrent dans les associations du Nanocyperion. Quelques espèces comme Poa annua. Polygonum aviculare. Polygonum hydropiper et Spergula arvensis sont bien constantes dans plusieurs de nos associations, mais on constate que celles-ci sont les groupements les plus influencés par l’homme. Dans les associations naturelles les espèces mentionnées manquent tout à fait. En outre, toutes les espèces des Rudereto-Secalinetea manquent dans 1’ Isoetion (Moor, Prodrome des Groupements végétaux, fasc. 4, 193?)- Or, il n’est guère possible de classer les Isoetetalia parmi les Rudereto-Secalinetea. On ne peut pas encore décider, dans quelle classe il faudrait faire entrer les Isoetetalia. Moor (Prodrome des Groupements végétaux, fasc. 4, 1937) a publié une liste des espèces caractéristiques du Nanocyperion. Nous croyons pouvoir y ajouter: Sagina procumbens. Veronica serpyllifolia, Spergularia rubra i et Webera annotina. Dans les Pays-Bas, ces espèces trouvent leur développement optimal sans doute dans le Nanocyperiorr. la plupart peuvent être considérées en même temps comme des caractéristiques régionales de l’alliance, (voir notre liste à p. 218). Au contraire le classement de quelques espèces caractéristiques mentionnées par Moor ne peut se soutenir chez nous, parce que ces espèces se trouvent plutôt dans d’autres alliances: Ranunculus sardous (d’après MooR caractéristique du Centunculo-Anthoceretum, chez nous plutôt dans le Secalinion et les prairies salées); Pilularia globulifera (d’après Moor caractéristique de 1’. Eleocharetum ovatae. chez nous caractéristique du Litorellion); Pulicaria vulgaris (d’après Moor caractéristique de T ’Eleocharetum ovatae, chez nous surtout dans le Bidentetum); Trifolium fragiferum (caractéristique du Cyperetum flavescentis d’après Moor, chez nous dans 1’. Armerion). De même la valeur de Myosurus minimus comme caractéristique des Isoetetalia est douteuse parce qu’on a confondu cette espèce avec Myosurus Helreichii, plante de la région méditerranéene et qu’aux Pays-Bas elle se trouve non seulement dans le Nanocyperion mais aussi aux lieux dénudés des prés salins, (voir p. 251). Les associations suivantes se rencontrent dans les Pays-Bas; elles sont décrites successivement: 1) Cicendietum filiformis. Allorge 1922 (tableau I). Le Cicendietum décrit par Moor (1936, 1937) comprend deux associations bien caractérisées chez nous, à savoir: le Cicendietum filiformis Allorge 1922 (tableau I) et le Panico-Illecebretum ass. nov. (tableau II). Le Cicendietum filiformis peut être divisé à son tour en deux sousassociations bien séparées. La première, Cicendietum isolepetosum setaceae (se rapprochant du Cicendietum juncetosum tenuis de Moor) accompagne généralement les landes à Calluna vulgaris ou celles a Erica tetralix, dans lesquelles elle occupe les parties dénudées et inondées en hiver. Le groupement s’établit dans les dépressions et les ornières des chemins humides, les trous d’extraction des carrières, etc. — L’autre sous-association, le Cicendietum juncetosum pygmaei, est limiteé à des stations beaucoup plus humides. Ce groupement encore plus instable s’installe sur les grèves temporairement taries des mares, parmi les hélophytes et hémicryptophytes du Litorellion (c’est pourquoi ses espèces différentielles sont des caractéristiques du Litorellion). — La séparation des deux sous-associations nous semble être justifiée aussi d’un point de vue régional, (c.f. Allorge et Gaume 1931, etc.). , Les sous-associations distinguées par nous se divisent toutes les deux en variantes géographiques, à savoir une variante se rencontrant dans les dunes et une autre dans l’intérieur du pays. Les espèces différentielles des variantes semblent montrer que les variantes des dunes préfèrent les stations un peu plus riches en C03Ca, tandis que les autres variantes sont limitées aux stations plus acides. 2) Panico-Illecebretum ass. nov. (tableau II). Cette association est distribuée largement sur des chemins humides et sablonneux. La répartition dans les Pays-Bas (voir les cartes phytogéographiques des espèces caractéristiques aux p. 277-279) est identique.à celle de l’association à Echinochloa crus-galli et Setaria viridis (= Panico-Chenopodietum polyspermi Kr. et VI. 1939 non ail.) ou celle du Arnosereto-Scleranthetum. La composition caractéristique du Panico-Illecebretum n’est pas encore connue à l’étranger, mais elle ne tardera pas à l’être (c.f. Schwickerath 1933 p. 51 (comme Bidentetum), et Mosseray 1938, District hesbayen p. 204). Dans le Nord de l’Allemagne, qui est moins atlantique, on ne trouvera pas le Panico-Illecebretum bien développé (information des Mm. Tüxen et Libbert). Sur le sol un peu plus humide et surtout plus argileux et plus humeux s’établit la variante à ƒuncus macer, riche en caractéristiques de l’alliance. ƒuncus macer, plante pérenne, et Agrostis tenuis évincent le Panico-Illecebretum. Ces espèces destructives provoquent dans les années suivantes le „stade à ƒuncus macer” (voir tableau III), qu’on peut interpréter comme stade final de l’association. Le Panico-Illecebretum se développe fragmentairement dans des lieux plus secs et plus sablonneux. On ne retrouve, alors, que les caractéristiques de l’association (et non plus celles de l’alliance), souvent mêlées à des espèces du Corynephorion (tableau II, relevés 40—46 et le relevé à p. 236). Nous considérons les 6 premiers relevés du tableau II comme appartenant à une sous-association humide (Panico-Illecebretum pepletosum). Ce groupement, représentant une transition vers le Cicendietum, se trouve aussi dans le Nord-ouest de l’Allemagne et fut décrit par Tüxen comme Cicendietum juncetosum tenuts. Gnaphalium luteo-album, espèce rare dans l’intérieur de la Hollande, se trouve dans un groupement qu’il faut ajouter à notre avis au Panico-Illecebretum comme sous-association provisoire (tableau II, relevés 7 et 8). 3) Centaurieto-Saginetum moniliformis ass. nov.(tableau IV). Le Centaurieto-Saginetum est une association eu-atlantique et littorale, qui se trouve dans les vallées humides des dunes, surtout dans les îles de la Mer du Nord (,,îles Wadden”) où les dunes ne sont pas encore desséchées par les prises d’eau. Peut-être l’association est identique à l’association à Gentiana uliginosa et Erythraea litoralis. décrite par Braun-Blanquet et De Leeuw (1936). Gentiana uliginosa n’est pas caractéristique, elle se trouve plutôt dans le Schoenetum nigricantis. Mm. Tüxen et Preising nous ont montré leur tableau des îles de Frise-orientale Borkum et Norderney, où l’association se recontre comme groupement riche en Radiola linoides. Nous distinguons deux sous-associations. La sous-association à Samolus valerandi s’installe dans des terrains sablonneux, humides et saumâtres (stations du ƒunceto-Caricetum extensae) au pied des petites éminences et buttes presque sans végétation. Au contraire, la sous-association à Thrincia hirta borde le pied des dunes dans des vallées humides mais non salées. Ses stations sont beaucoup plus sèches et plus pauvres en matières fines et organiques. 4) Centunculo-Anthoceretum W. Koch 1926 (tableau V). Déjà Moor (1936) a fait ressortir que cette association n’est bien développée que sur le sol argileux. Nous l’avons étudiée dans le Sud du Limbourg, où elle est fréquente sur l’argile du loess. Son aire semble correspondre à celui de 1’. Avenetum fatuae (c.f. Kruseman et Vlieger 1939). La caractéristique Spergularia segetalis a été trouvée autrefois dans des champs de blé du Sud du Limbourg. 5) Groupement à Myosurus minimus et Ranunculus sardous (tableau VI). Moor (1936, 1937) a considéré Myosurus minimus comme caractéristique du Centunculo-Anthoceretum. Cependant Myosurus ne se trouve guère dans cette association (c.f. tableau V et Moor 1936). Nous avons trouvé cette espèce plutôt sur des champs sablonneux où les hépatiques (. Anthoceros sp., Fossombronia sp.) ne poussent point. Le groupement de ces champs est peut-être une sous-association du Centunculo-Anthoceretum. Myosurus n’est pas une caractéristique fidèle de ce groupement; il se trouve quelquefois dans une végétation piétinée des prés plus ou moins saumâtres, accompagné de ƒuncus bufonius, Coronopus procumbens, Poa annua, Plantago major. Polygonum aviculare et Puccinellia distans (voir le relevé à p. 251/253^. 6) Isolepeto-Stellarietum (Koch) Libbert 1932 (tableau VII). L’association à Isolepis setacea et Stellaria alsine ne fut trouvée que dans les forêts jusqu’ici (c.f. Libbert 1932, Schwickerath 1933, Moor 1936, Tüxen 1937 e.a.). Dans les Pays-Bas à climat atlantique cependant on peut le rencontrer hors de la forêt et elle se trouve alors dans les prairies (aux abreuvoirs et sur les bords des fossés piétinés par le bétail). Quelquefois Isolepis setacea et Sagina procumbens deviennent alors dominantes. Les caractéristiques de l’association sont faibles. Isolepis setacea se trouve souvent dans le Cicendietum isolepetosum. Stellaria Alsine est une espèce du Cardamineto-Montion. Cette alliance, pourtant, est représentée si rarement et si fragmentairement dans les Pays- Bas, qu’à notre avis il sera possible de maintenir Stellaria Alsine comme caractéristique locale de l’association à Isolepis et Stellaria Alsine. Nous avons distingué dans notre association 4 variantes; dans les prés: d) Variante à Montia minor. sur des stations humides. b) Variante à Cardamine pratensis sur des stations un peu plus sèches. (Ces deux variantes sont séparées géographiquement), dans les forêts: c) Variante à Hypericum humifusum. sur les sentiers. d) Variante à Ranunculus aquatilis, sur les bords des ruisseaux et les bancs de sable taries. Il n’est pas possible de distinguer une sous-association des prés et une des forêts, si on ne veut pas se servir comme différentielles des plantes des prés et des forêts, qui sont étrangères à notre association. Ne considérant que les relevés purs, on est surpris par 1’ homogénité de l’association. Ce fait s’oppose aussi à assigner le rang de sous-association aux variantes. 7) Sagineto-Bryetum argentei ass. nov. (tableau VIII). Un groupement très joli, qui se trouve parmi les pavés des rues humides, même des plus fréquentées et piétinées. Il préfère les interstices des briques (retenantes l’eau!). L’association se développe très bien dans les petites cours tranquilles, surtout près de la pompe du village. Elle se trouve aussi sur la cendrée, formant là une transition vers un groupement des brûlures à ~ Funaria hygrometrica et Marchantia polymorpha, auquel elle est fort apparentée. Nous croyons pouvoir nier, que le Sagineto-Bryetum appartienne aux Rudereto-Secalinetea, quoiqu’il contienne plusieurs espèces de cette classe. En comparant dans le tableau la valeur systématique des blocs des caractéristiques des Isoetetalia et des Rudereto-Secalinetea, la première valeur se trouve être beaucoup plus grande. 8) Eleocharetum ovatae (Hayek) Moor 1936 (tableau IX). Une huitième association, V. Eleocharetum ovatae. . n’a été trouvée chez nous que très récemment, dans une forme un peu appauvrie, sur le bord de la Meuse. Les caractéristiques y observées sont: Limosella aquatica, Physcomitrella patens, Pleuridium nitidum. Nous ne donnons pas encore dans ce travail le tableau de ce groupement peu étudié chez nous. Notre tableau IX est un tableau raccourci des relevés des Mm. Tüxen et Libbert. L’association est rare et éphémère. Elle était à attendre aux Pays-Bas sur les bords des grands fleuves : les cartes phyto-géographiques de l’I.V.O.N. montrent que plusieurs caractéristiques se rencontrent chez nous, notamment dans le district fluviatile. Le Cyperetum flavescentis semble manquer dans les Pays-Bas. Cyperus flavescens est extrêmement rare ici, tandis que ƒuncus macer et Carex Oederi ssp. pulchella se trouvent constamment dans d’autres associations du Nanocyperion ( Cicendietum, Panico-Illecebretum). Trifolium fragiferum et Carex distans sont des halophytes chez nous, et se rencontrent surtout dans I* Armerion maritimae. Le Cyperetum flavescentis de Tüxen (1937) n’est pas identique à l’association, décrite sous ce nom per Braun-Blanquet et Moor et par Libbert. Le groupement de Tüxen se rapproche plutôt de notre „stade à “ ƒuncus macer” (voir tableau III).