Le tableau ci-joint, composé pour mes cours, est destiné à réunir, sous un seul coup d’oeil, les degrés d’évolution et les enchaînements principaux dans le Régné végétal. Il est en forme d’arbre ramifié ou, s’il on aime mieux, de plante fleurie ; il réprésente en général la disposition naturelle des végétaux, telle qu’elle s’est développée jusqu’à ce jour sur les fondaments établis surtout par les d e J u s s i e u. Seulement, au point de vue phylogénétique, il convient de ne pas commencer par la division en Phanérogames et Cryptogames et de subdiviser ensuite ces deux groupes, mais de suivre les échelles l’une après l’autre de bas en haut, quoiqu’on arrive, de cette manière, à disposer l’un vis à vis de l’autre des groupes primaires d’une étendue très différente. Commençant par les formes unicellulaires, on a de l’un côté la petite branche des Coenobiales, de l’autre côté tout le reste des plantes à tissu formé par la division des cellules. Dans celles-ci, les Thallophytes sont succédés par les plantes à tiges feuillées ; puis les plantes cellulaires par les vasculaires, les Cryptogames par les Phanérogames, et, parmi ces dernières, les Gymnospermes par les Angiospermes ; celles-ci se partagent sur les grands embranchements des Monocotylédonées et des Dicotyledonées, dont les dernières se divisent à leur tour en Apétales, Eleuthéropétales ou Polypétales, et Gamopétales. Les plantes à cellules non divisées forment de petits corps composés très-élégants (P e d i a s t r um, Hydrodictyon etc.) par l’association de cellules nées libres, mais le développement du Règne végétal dans cette direction est bientôt épuisé. De même les Siphonées à grandes cellules, très différenciées dans leurs formes unicellulaires (Botrydium, Caulerpa) ne constituent qu’un embranchement relativement petit, terminé tout ou plus, et encore à distance, par les Characées. Le grand développement du Règne végétal débute par là, où la division et la subordination des cellules prend le dessus sur leur existence particulière. Là, il y a encore des associations de parties nées libres, p. e. dans le tissu hyphique des Champignons, dans plusieurs Algues de différent ordre où l’enlacement et l’agglutination de rameaux filamenteux contribuent à former un ensemble plus fort et plus résistant. Mais dans les ordres plus élevés, ces tissus pseudoparenchymatiques font place à un état de composition directe émanant de la cellule apicale et de la division de ses segments. Les Chara’s nous montrent encore un renforcement par l'association de parties nées distinctes dans leur couche corticale; on peut aussi y rapporter l’enlacement des racines latérales autour du tronc des Fougères en arbre, qui suppléent par leur masse compacte et cohérente an manque d’accroissement secondaire du tronc lui-même. Toutefois, si le phénomène ne disparait pas entièrement, même parmi les plantes supérieures, il se rarifie, et au lieu de lui s’augmente, avec la différenciation croissante de l’organisme, une coopération biologique et physiologique des parties dans d’autres directions. Une association d’individus de la même espèce se rencontre, entre autres, chez les Mousses, ou la réunion en souches compactes des Bar bu la, des Orthotrichum etc. contribue sans doute à conserver plus longtemps, au profit de l’aggrégation, l’eau de pluie et de rosée. Le Sphagnetum est, pour ains dire, une éponge gigantesque, où même les générations mortes ne cessent pas de prendre part au bien-être de la colonie. Chez les plantes d’organisation plus élevée, nous avons les prairies, les bois, comme exemples de végétation sociale et de soutien mutuel. Des plantes d’espèce différente se joignant en symbiose chez les L i c h e n’s ; parmi les autres plantes on pourrait citer les plantes grimpantes, les épiphytes, les plantes cherchant l’ombre des bois et d’autres complexes de nature phytogéographique dans lesquels se mêlent des luttes et des coopérations harmonieuses pour constituer un équilibré compliqué et sans cesse varié. Le parasitisme, si richement représenté dans le début, par les Champignons, se rencontre encore chez les plantes supérieures et sous des formes très-remarquables, mais il y est relativement rare. La fécondation, faisant suite à la conjugaison et s’opérant chez les Algues au moyen de spermatozoïdes se mouvant dans l’eau ou emportés par ce liquide, se fait chez quelques Champignons par réunion immédiate de la branche fécondante avec la cellule ovulaire, prophétisant en quelque sorte ce qui aura lieu avec le tube pollinique des Phanérogames. Chez les Bryophytes ce sont de nouveau des spermatozoïdes mobiles et qui, par la petitesse des plantes aériennes qui les produisent, peuvent encore disposer du liquide (eau de pluie, rosée) nécessaire à leur transport. Les Fougères etc., mises en état par leur système vasculaire de s eléver à une plus grande hauteur, et se développant même en partie en arbres, obtiennent ces mêmes conditions favorables au transport des spermatozoïdes, en rejetant les organes sexuels sur la génération thalliène, près du sol. C’est à cause de cet arrangement biologique que les Bryophytes sont inscrites sur le tableau comme Archégoniates naines et les Cryptogames vasculaires comme Archégoniates inverses. Les formes les plus différenciées parmi les Cryptogames vasculaires nous font voir un retour à la vie dans l’eau. Les Phanérogames, au contraire, sont les plantes aériennes par excellence. Par leur grand nombre de faisceaux vasculaires dans les Monocotyledonées, par l’accroissement secondaire du tronc dans les Gymnospermes et les Dicotyledonées, elles sont installées le plus complètément pour ce genre de vie. Elles conservent la génération thalliène et sexuelle sur elles, dans les parties élevées à l’air, et le transport des microspores (pollen) vers les organes féminins se fait par ce milieu, au 11103’en du vent ou par les insectes. De là la distinction des Phanérogames comme a ë r 0 g a m e s, des Cryptogames comme hydrogames, dans le tableau. L’appareil réproductif des deux générations, réuni dans la fleur et le fruit, se développe chez les Phanérogames et notamment chez les Angiospermes, par l’association d’organes secondaires, et la diversité de leur tenue, avec une variété pour ainsi dire inépuisable. On en tire les caractères principaux pour la classification, contrairement à ce qui a lieu chez les Cryptogames inférieures, où les organes végétatifs marchent encore devant. Les embranchements sont poursuivies dans le tableau jusqu’au groupes de familles, établis jadis par B art lin g, et puis par Endlicher sous le nom de classes, que Lindley a appelé des alliances, Bentham et Hooker en partie des cohortes, en partie des séries, et qui ont été limités et nommés plus ou moins différemment par les auteurs. Les noms placés dans le tableau sont ceux des séries d’E i c h 1 e r, adoptées dans plusieurs manuels de botanique ; quelques familles sont signalées séparément entre parenthèse. A la tète des-Monocotylédonées se trouvent les Orchidées, à celle des Apétales les Aristolochiales, comprenant les Rafflesiacées, à celle des Eleuthéropetales les Ombellifères, à celle d’un rameau latéral périgynique les Légumineuses et à la tête des Gamopétales les Composées, la famille la plus élevée dans le Règne végétal, comme il a été déjà justement reconnu par Adr. de Jussieu, et probablément la plus récente. Des lignes transversales passant par tous les rameaux séparent les hypo-, péri- et épigynes, ou, du côté des Monocotylédonées et dans les Apétales, les épigynes des deux autres réunies. Une ligne rouge dans le tableau représente l’arrangement linéaire d’après De Candolle. Cet arrangement a été créé par lui dans le but de subvenir à la nécessité de traiter les familles de plantes l’une après l’autre dans tout ouvrage dés•criptif et au désir de diminuer autant que possible le nombre des transitions brusques. C’est sans doute dans le même but, qu’ A. L. de Jussieu avait introduit dans sa méthode des liaisons en ganse, en renversant alternativement l’ordre de la suite des Hypogynes, Périgynes et Epigynes dans les Monocotylédonées et les subdivisions des Dicotyledonées. De Candolle a remplacé ce petit artifice par une concession plus grande au but proposé, et il a composé sa série en sorte qu’elle enfilât l’une après l’autre les familles qui chaque fois paraissaient présenter le plus haut degré d’affinité avec la précédente. D savait bien que l’affinité ne s’exprime pas en sérié linéaire continue Aussi était il forcé de rémur de temps à temps des familles assey distantes. Mais pas cette distance même il n’y a pas lieu de mal-en-tendu. Il débuta par les familles de plantes les plus élevées, dans un but pédagogique. Il considéra la famille des Renonculacées comme la plus parfaite, parce que tous les organes de la fleur y sont présents et libres de toute adhérence. C’était une erreur, comme il a été déjà remarqué par Adr. de Jussieu. L’adhésion des organes et de même leur avortement, ne constitue pas un état inférieur, mais une complication plus grande, c. a. d. un état morphologique supérieur. L’erreur cependant était heureuse, car il n’y a en vérité, au point de vue pédagogique, aucune famille plus propre à mettre au début pour les commençants que les Renonculacées. Poursuivant de là le fil de l’arrangement linéaire, on remonte de pas en pas à des complications d’ordre divers, qu’on continue à comparer avec les états plus simples précédents. Arrivé au sommet, chez les Composées, l’on descend par la voie des Corolliflores, vers les Monochlamydées ou Apétales, paraissant simples, mais offrant en réalité des complications assez déli-cates. Après avoir enfilé les Gymnospermes, la ligne passe sur les Monocotyledonées et de là descend aux Cryptogames, Si la méthode linéaire, appelée artificielle par le fondateur lui-même, présente encore toujours un intérêt pédagogique, elle n’offre pas moins un intérêt pratique, parce que des ouvrages fondamentaux et classiques comme le Prodromus, et récemment le Généra de Bentham et Hooker, et puis la plupart des Flores sont rédigées d’après elle. Il est sans doute d’une grande convenance qu’on retrouve dans de tels ouvrages, dont on a souvent à consulter plusieurs à la fois, les familles à peu près dans le même ordre et dans un ordre facile à retenir. Au contraire la suite des embranchements phylogénetiques, en commençant par les végétaux les plus simples, est sans doute préférable au point de vue théorique et pour les traités de botanique destinés aux études supérieures. Il est donc utile de connaître les deux arrangements et de se les représenter dans leur relation mutuelle ; c’est dans ce but que la ligne rouge est tracée dans le tableau. Elle finit près des plantes unicellulaires. De là elle passe, le long des Myxomycètes et du côté des Champignons, au Règne animal. On a placé les Myxomycètes alternativement parmi les végétaux et parmi les animaux. La question n’est pas de grande conséquence parce qu’on se trouve sur la limite des deux Règnes. Leur cellules sans paroi, le mouvement amoebiën visent au Règne animal; de même le parasitisme. Car le Règne animal est le parasitisme sur le Règne végétal poursuivi avec constance et jusque dans des formes le plus élevées. Le Règne végétal en tire avantage de son côté, ne fût ce que par l’accellération et l’amélioration de la mise en profit de la matière livrée par les générations antérieures au suivantes. D’ailleurs il y a les relations spéciales ayant rapport à la fécondation des fleurs, la dispersion des sémenees etc. C’est donc encore un rapport de service mutuel ou symbiotique de haut ordre entre ces deux Règnes du monde organisé.