Les Algues brunes que Thuret réunissait dans le groupe des Phéosporées ne sont que le résidu, actuellement vivant, d'un ensemble infiniment plus important dont la plupart des représentants furent anéantis au cours des temps géologiques. Si les documents paléontologiques manquent pour en témoigner, l’extraordinaire variété des types que nous rencontrons dans toutes les mers en fournit néanmoins une preuve démonstrative. A ces types se rattachent souvent un tout petit nombre de genres. Par suite, l'étude des Phéosporées aboutit à une sorte de pulvérisation du groupe en familles; plusieurs de celles-ci ont été récemment élevées au rang de classe et certaines d’entre elles mériteraient même une dignité taxinomique plus élevée. La classe très naturelle des Cutlériales nous fournit un exemple de cette ancienneté; elle est actuellement réduite aux deux genres Zanardinia et Cutleria; or, l’énorme dissemblance de leurs sporophytes ne pourrait s’expliquer si de nombreux genres intermédiaires, d’ailleurs disparus sans laisser de traces, ne les avaient autrefois rapprochés l’un de l'autre. A cause de cette ancienneté du groupe, on conçoit donc que certaines Phéosporées présentent des phénomènes sans équivalent chez les autres Algues ou qui ne rentrent pas dans le cadre des idées classiques. C’est le cas des espèces qui font l’objet de cette Note: annuelles ou éphémères, elles présentent néanmoins, sous un état indépendant et inaccessible à l’oeil nu, une végétation et une fertilité continues. Les Phéosporées offrent plusieurs types d’espèces annuelles. Certaines, qui semblent annuelles parce que la forme sous laquelle elles furent d’abord décrites disparaît chaque année, sont néanmoins vivaces. Le Cladostephus verticillatus, par exemple, perd ses tiges dressées à l’approche de la saison froide; il se maintient sous la forme d’un large thalle rampant stérile, plus ou moins dissimulé, d'ou sortiront de nouvelles tiges au moment favorable; il en est de même du Sphacelaria olivacea dont le thalle rampant, vivace et fertile, simule si bien une Phéosporée indépendante qu’on avait créé pour lui le genre Sphaceloderma. Le phénomène est comparable à celui que présentent, parmi les Fucacées, plusieurs Cystoseira pourvus ou non de tophules ( Cyst. ericoides, Cyst. elegans, Cyst. granulata.. etc.), diverses Floridées ( Phyllophora Brodiaei, Cryptonemia Lomation.. etc.). Le résultat est le même lorsque des filaments persistants suffisent à diverses Ectocarpées ( Pylaiella littoralis.. etc. d’après Oltmanns) pour multiplier la plante au retour de la belle saison, processus qui est, je suppose, moins répandu qu’on le croit. Lorsque certaines Phéosporées annuelles souffrent ou sont sur le point de disparaître (Tilopteris .. etc.)» on y voit des cellules, en apparence quelconques parmi les cellules voisines mortes, conserver leur vitalité, puis grossir et germer sur place; bien que cela n’ait pas encore été démontré, leur germination produit vraisemblablement une plante nouvelle identique à la première, et cela indiquerait la possibilité d’hypnocystes fortuits chez les plantes du groupe. Les seules Phéosporées vraiment annuelles seraient celles qui, se comportant comme diverses Algues vertes (Vaucheria, Spirogyra, Oedogonium etc.) produiraient normalement, avant de disparaître, des hypnospores ou des hypnozygotes capables de germer seulement après un temps de repos; toutefois, autant que je sache, si leur existence a été supposée, elle n’a pas encore été démontrée.